Levé au taquet, ready to attack this Canyon de Chelly. A prononcer : « Canyon de Che ». Un peu comme si c’était le canyon de Che Guevara, sauf que ca n’a aucun rapport. Enfin bref, nous entrons dans le parc et parcourons celui-ci de point de vue en point de vue. Le paysage est beau, mais dans l’ensemble moins impressionnant, plus sec et moins paisible que celui de Navajo National Monument (les Betatakin Ruins visitées la veille). Le ciel légèrement voilé n’arrange pas les choses.
Nous descendons dans le canyon en suivant une piste de rando agréable. Le fond du canyon accueille également les ruines d’anciens villages indiens. Mais l’on devine dans ces ruines un passé plus agité pour les indiens qui les ont occupées. La Navajo Fortress que nous apercevons difficilement au fond du canyon fut le dernier bastion de la résistance indienne contre Carson.
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L’après-midi, nous décidons de nous rapprocher du Grand Canyon en traversant la réserve Hopi. Cette réserve contient des anciens villages pueblos qui n’ont jamais cessé d’être occupés par les tribus indiennes. Les indiens y vivent en quasi autarcie et y ont perpétué leurs traditions et coutumes malgré les pressions de la modernité extérieure. Nous nous attardons dans le village de Walpi, construit sur ce qui est appellé la First Mesa. Le village étant situé sur une montagne au milieu de la plaine, il offrait une position stratégique et un refuge. Les Hopis, pacifistes, offraient en effet asile aux tribus pourchassées par d’autres dans le temps.
Nous arrivons dans le village sur le coup de 14h. Nous sommes stoppés par une pancarte qui nous signale l’interdiction de visiter le vieux village sans guide, et les habitants nous informe que celui-ci est parti déjeuner. La partie du village où nous sommes est délabrée et il y règne une certaine précarité. Ce n’est pas le luxe des villas de Bel-Air, si vous voyez ce que je veux dire. Mais ce sont les habitants eux-mêmes qui ne veulent pas de ce luxe. Certaines parties du village ne sont pas équipées en haut ni en électricité car les Hopis refusent ce confort. Il est également interdit de prendre des photos dans cette partie du village, d’où le manque de visuels pour accompagner cette partie du journal.
En attendant le guide, nous tapons la causette avec les Indiens des villages alentours. Ces derniers sont très chaleureux. Ils nous serrent la main, nous invitent dans leurs maisons, nous montrent l’artisanat qu’ils ont à vendre (poterie, peintures, poupées) et nous content les histoires associées à chaque objet.
Romain décide d’acheter une poupée Katchina (poupée traditionnelle représentant les figures mythiques des Indiens hopis). La poupée choisie par Romain est une « Morning Katchina ». Son artisan nous explique qu’il s’agit d’une chanteuse. La « Morning Katchina » connaît une chanson dont elle seule a le secret. Elle la chante chaque matin à quiconque veut l’entendre, insufflant si besoin du courage pour la journée.
Le guide arrive enfin et nous fait visiter le reste du village. Malgré le manque d’amabilité et de sourire de la guide, nous en apprenons un peu plus sur la culture et l’histoire des Hopis.
Nous repartons pour Grand Canyon en fin d’après-midi. Nous allons entrer le parc national par l’Est, ce qui est peu commun. Pour l’heure nous n’apercevons rien du canyon. Le paysage à l’horizon est toujours aussi plat. Cependant, on sent que l’on commence à prendre de l’altitude. Le GPS nous dit que l’on se rapproche. Nous passons bientôt les barrières qui signalent l’entrée du parc et nous enfonçons dans une forêt où daims et pumas peuvent traverser à tout moment. Nous sommes tout près, mais nous ne voyons toujours rien.
Soudain, la forêt s’éclaircit et nous laisse nez à nez avec un paysage à couper le souffle. Sur notre droite, des falaises immenses criblent le sol de toutes parts et s’enfoncent dans la terre jusqu’à perte de vue.
Le Grand Canyon n’a pas usurpé son titre de mère des canyons. Il ne s’agit pas seulement d’un canyon comme tous ceux que l’on a vus précédemment, il s’agit d’un canyon enchâssé dans un canyon. Une première couche de falaises s’affaisse dans le sol, et dans le creux formé, une autre couche creuse le sol et paraît s’enfoncer jusqu’aux entrailles de la terre. A la lumière du soleil couchant, la scène est grandiose, sublime, cosmique…
C’est bel est bien l’apothéose de notre trip, fait remarquer Romain. Dans les précédents parcs, la mère nature nous avait montré ses talents. Ici, elle a réalisé son chef d’œuvre.
Nous poursuivons notre route jusqu’au camping et installons le camp de nuit. Nous n’allons pas dormir beaucoup. Demain, la randonnée que l’on prévoit s’étend sur la journée. La piste nous emmène au fond du canyon et nous fait remonter dans la même journée. Les guides déconseillent de faire les deux dans la même journée, mais on n’a pas vraiment le choix. Les campings au fond du canyon sont déjà tous réservés. Certains le sont depuis plus d’un an. Nous allons donc descendre le canyon par la South Kaibab Trail et le remonter par la Bright Angel Trail. Ce trajet comporte 28km et oblige à descendre 1400m de dénivelé. On a bien prévu 12h pour parcourir tout çà, ce qui signifie se lever demain à 6h du matin.